Peintures, encres & illustrations

Peintures, encres & illustrations

Pays Sages

Equi

Océan

Tryptique 3 x (40cm x 240cm)

De la graine à la folie

La naissance de la vie

Inspiré du poème de Joseph Morana, extrait du recueil La rage au coeur, 1978 : 

 

Les secondes filent

Dans le silence pesant de l'air malade. 

Les murs blêmissent de frissons. 

Quelques cris de détresse.

Perdus dans une salle d'accouchement,

Et les projecteurs d'éclairent. 

Sur une banquette chaude, 

Ecartelée de tous ses membres, 

La chemise trempée de froideur

Jusqu'au bas des reins,

Ta femme est là. 

Son visage si doux transpire des larmes. 

Ses yeux cherchent dans les tiens

Un réconfort, quelques mots tendres. 

Sous la chaleur des éclairages

Il y a son coeur qui tape, 

Qui bat au rythme de deux vies ;

Sa voix grince de peur

De mourir dans ce combat. 

Malgré la souffrance des contractions, 

Elle te sourit, prononce ton prénom

Du bout des lèvres, du bout des yeux.

Elle est toute seule, elle vit, 

Elle gueule, elle crie, elle râle, elle pleure. 

Tu n'y peux rien. 

Tu es là planté devant elle, 

Inutile de tout ton petit corps d'homme. 

Ses mains d crispent de douleur. 

Tout son "femme" intime se dilate, 

Gémit de déchirures. 

Elle râle d'amour à l'agonie du temps. 

Tes cheveux se dressent sur ta tête. 

Elle se vide, tu n'oses plus regarder

Tes yeux sombrent dans le blanc, 

T'as envie de vomir, de fuir. 

Elle crie "Maman" de toutes ses larmes, 

De toute sa voix, 

Au seuil du bonheur et du désespoir.

Redevenue petite fille pour un instant, 

Seule au bout de la nuit. 

Sa chair craque rouge sang. 

Soudain l'eau jaillit, éclabousse la sage-femme

Pour taire ses "Poussez-donc, 

Mais poussez plus fort". 

L'enfant dans un cri de désespoir infini

Sort brûlé par la lumière des projecteurs, 

Agressé par le bruit, frappé par la main, 

Pendu face au vide. 

 

Depuis des millénaires, 

Des enfants naissent dans la frayeur

D'autres meurent de ne pouvoir crier la liberté

Dans ce monde où nous nous déchargeons

Avec la violence

Dans le ventre des femmes. 

Le mal, nous dit-on, il faut l'oublier, 

Mais il demeure en nous comme un boulet

Jusqu'à notre mort. 

 

UN SEUL CRI NOUS LIE A LA NAISSANCE

UN SEUL CRI DANS LA NUIT : "MAMAN".

 

A ma femme "Nanou"

Auderghem, Belgique, mars 1977